Le focus afghanistan vu par l’Afp

« Le rêve perdu » de jeunes comédiennes afghanes en exil

Lyon (Rhône, France)

  –   23 novembre 2022 14:02

  –   AFP (Marine LAOUCHEZ)

  /  REPORTAGE

Un peu plus d’un an après leur départ dans le chaos total et leur arrivée en France, accueillies par la grande famille du théâtre, de jeunes comédiennes afghanes présentent sur scène, à Lyon, le récit de leur exil et leur « rêve » d’un Afghanistan moderne.

Elles ont aujourd’hui entre 19 et 25 ans, ont obtenu leurs papiers de réfugiées politiques, la plupart sont inscrites à l’université, certaines ont un petit job à côté. Elles se plient à l’exercice de l’interview avec une interprète pour pouvoir parler leur langue natale, le dari, mais leurs sourires, leurs hochements de tête, des regards parfois malicieux, laissent comprendre que, souvent, elles ont compris la question avant sa traduction.

Freshta, Shegofa, Atifa, Hussnia … Elles sont neuf, ont découvert le théâtre amateur à l’adolescence sous la houlette d’un jeune metteur en scène local, Naim Karimi, lui aussi en exil. Leurs familles ne voyaient pas toujours d’un bon œil leur pratique théâtrale, elles ont dû les convaincre de les laisser pratiquer… puis de les laisser partir en exil. Certaines de leurs amies sont restées.

Dans leur spectacle, « Le rêve perdu », créé avec le Théâtre Nouvelle Génération (TNG) à Lyon, elles évoquent avec leurs mots les souvenirs heureux puis « les pleurs » au retour des Talibans en août 2021.

Elles disent la nostalgie de leur pays, elles parlent de l’exil, loin de ceux, et celles surtout, qui subissent « une tyrannie infligée par l’obscurantisme », elles affirment leur espoir de reconstruire un jour une société à la hauteur de leurs rêves. « Cher pays, ne te sens-tu pas seul sans tes enfants qui sont partis? », dit l’une d’elle dans la pièce en dari, surtitrée en français.

Avant le départ, « on avait très peur, mais pas par rapport au fait de vivre en France, mais plutôt pour notre pays », explique Atifa Azizpor à l’AFP.

C’est en embarquant pour la France, dans des conditions extrêmement difficiles, que surgit la rupture: « Je suis trop jeune pour ce voyage », dit l’une des comédiennes sur scène.

– « Aller simple » –

Elles sont parties grâce à un réseau de solidarité lancé par l’artiste afghane Kubra Khademi, pour aider les artistes de son pays. Joris Mathieu, le directeur du TNG participe à l’initiative dès le mois de juillet 2021, un mois avant le départ des troupes américaines et le retour des Talibans.

Mais les « lettres d’invitation » se transforment en « voyage » et « hypothétiquement un aller simple ». « On a découvert très rapidement que notre rôle, c’était d’abord un travail d’hospitalité et d’aide à l’intégration en renforçant les cours de français », relate celui qui a accueilli la troupe en lien avec le TNP de Villeurbanne, aux portes de  Lyon.

Une première année pour « prendre soin », dit-il, pour leur « permettre de vivre un peu mieux » et « penser sereinement à l’avenir ». Puis, dans un deuxième temps, leur donner la parole, « créer ici les conditions qui leur permettent de transmettre un message ».

« On ne savait pas exactement ce qu’on allait faire ici », mais en rencontrant des professionnels du théâtre, « tout à changé pour nous »: « on a commencé à apprendre le français et à observer comment on pratique les planches en France », explique Freshta Akbari, une des comédiennes. « On a envie de montrer la beauté de l’histoire, de la culture de notre pays, et d’être la voix des femmes qui n’arrivent plus à travailler et à être présentes dans la société », poursuit-elle.

Toutes gardent l’espoir ardent de retourner un jour en Afghanistan. « Nous sommes la génération qui a été obligée de quitter le pays, mais nous avons une responsabilité » vis à vis de ceux qui sont restés, souligne Atifa Azizpor.

Le metteur en scène Naim Karimi lie les « progrès » de son pays, avant le retour des Talibans, aux « immigrants qui ont quitté l’Afghanistan, ont appris des choses dans différents pays et sont retournés chez eux ».

Une voix le proclame dans sa pièce: « Notre rêve n’est pas perdu ».

L’initiatrice du mouvent de solidarité, Kubra Khademi, 33 ans, présente à Lyon une performance intitulée « Golden horizon » -horizon doré. Elle s’est réfugiée en France en 2015 après une performance à Kaboul sur la condition des femmes et son exil solitaire a été douloureux: « si je n’avais pas été artiste, je n’aurais pas été intégrée ».